Manhattan Transfer – John Dos Passos

Parmi les sujets qui me tiennent à coeur, me fascinent et m’ont poussé à reprendre la plume sur ce blog, il y à le rapport de la civilisation américaine avec son espace géographique, en particulier au travers de la littérature. L’immensité de l’espace américain, sa diversité, son histoire, expliquent en grande partie l’attrait et l’admiration qu’il suscite au sein même de ses habitants. Quand vous allez aux Etats-Unis et que vous discutez avec des Américains, la première chose qu’ils vous disent, après vous avoir poliment demandé d’où vous venez, c’est le nom de l’Etat dans lequel ils résident ! Ils sont, certes, Américains avant tout, mais ils sont également très fiers d’être du Texas, de l’Oregon, du Massachusetts ou du Mississippi.

Ce n’est donc pas étonnant si ce rapport à l’espace, qu’il soit urbain ou rural, fait partie intégrante de la littérature américaine, à commencer par le concept de la Route qui est passé d’objet géographique à objet culturel par le prisme d’un certain Jack Kerouac, ou bien le nature writing qui a le vent en poupe en ce moment mais doit ses lettres de noblesse à un certain Henry David Thoreau (première moitié du 19ème siècle).

 

Pour débuter ce blog et ses marottes que je viens de vous décrire, j’ai donc choisi de vous parler de Manhattan Transfer de John Dos Passos, un classique de la littérature américaine ET new-yorkaise. J’avais été terriblement déçu par Gatsby le magnifique de Francis Scott Fitzgerald, un autre classique du début du XXème siècle, et j’appréhendais donc un peu cette lecture que l’on définit comme difficile.

La difficulté est bien présente dès les 1ères lignes. Une multitude de personnages dont on retient difficilement les noms, des ellipses temporelles, un récit qui passe d’un personnage à un autre dans le même paragraphe, d’une narration à un monologue intérieur…bref la lecture est exigeante mais passionnante.

La ville de New-York est LE personnage central du livre ou pour être complètement juste je devrais dire l’île de Manhattan est LE personnage central du livre. Les personnages de chair et de sang sont des figurants visant à humaniser le récit et cette ville qui est dépeinte justement comme une métropole grouillante, une Babylone des temps modernes où tout est possible, le pire comme le meilleur. Le récit débute à la fin du XIXème siècle, une période d’essor industriel aux Etats-Unis qui voit la population urbaine grossir de plus en plus au fil des mutations technologiques (gratte-ciels, métros, trams, éclairage public…). Le flux migratoire en provenance d’Europe alimente les industries en main d’œuvre ouvrière et l’ascension sociale est une chimère qui alimente les rêves de tous ces déracinés.

Journaliste, actrice, bootlegger, syndicaliste, juriste, homme politique…Dos Passos met en scène tout ce petit monde dans une métropole en pleine mutation. Certains vont toucher du doigt le rêve américain, d’autres vont au contraire subir de plein fouet la machine à broyer capitaliste qui se met en place. Manhattan Transfer a été écrit en 1925 soit 4 ans avant la crise de 1929 et l’on sent dans le récit de Dos Passos les prémices de cette crise économique et une certaine aversion pour l’argent-roi.

Fable sociale exigeante, Manhattan Transfer est un exercice de style qui se mérite. C’est surtout un formidable aperçu de la métamorphose de la société américaine du début du XXème siècle et plus particulièrement de la ville de New-York qui, telle un train lancé à vive allure, écrase tout ceux qui ne parviennent pas à suivre le mouvement. Next Stop : Manhattan Transfer.

♥♥♥♥

Pour aller plus loin, une lecture de passages de Manhattan Transfer par Guillaume Gallienne :
https://www.franceinter.fr/embed/player/aod/44dd10bb-cf3e-11e2-9f7b-782bcb6744eb

Editions Folio, trad. Maurice-Edgar Coindreau, 1973, 507 pages

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